J’étais content de me marier. Olga aussi, alors c’était parfait.
Nous en avions décidé de la manière la plus banale, mais aussi la plus romantique, un soir du début de l’été à la table de la guinguette où nous nous sommes connus.
Cela faisait six ans que nous partagions un appartement dans le centre de Tours. On allait simplement pimenter un peu cette vie tranquille en faisant une grosse fiesta et tout le monde nous féliciterait.
Oui, on avait déjà une vie pas détestable. Olga était vendeuse dans un magasin de prêt-à-porter. Elle allait travailler à pied, ça lui faisait sa demi-heure quotidienne d’exercice physique. Quand elle arrivait un peu en avance elle partageait avec sa collègue un sachet de thé issu du commerce équitable. La semaine, en général, moi je restais dormir –sauf le lundi. J’étais photographe reporter sportif –c’est-à-dire, je le suis encore– et il n’y a pas souvent de compétition en semaine le matin. La plupart des critériums, des triathlons, des courses hippiques, des tournois…, tout se passe le week-end. Tout ça pour dire qu’on se voyait finalement pas souvent avec Olga.
Régulièrement, le soir, en semaine, elle s’octroyait des soirées seulement entre copines. Elle m’expliquait : « C’est que elles, elles ont une vie de couple le week-end… ». Quand je lui demandais de quoi vous pouviez bien causer pendant toutes ces soirées, elle me disait que les sujets people, mode, shopping… sont inépuisables. Mais, l’air de rien, avec le temps, quand nous nous retrouvions tous les deux sous la couette, elle me glissait que l’une des copines qu’elle venait de quitter allait emménager avec son mec dans un ancien corps de ferme qu’ils allaient la rénover, qu’une autre avait arrêté la pilule, et que nous, chéri ? Quand est-ce qu’on va avancer dans notre histoire… ?
C’est aussi pour ça que j’étais pas mécontent de mon coup de la guinguette ce soir de juin. La bague, la demande, le vin… On n’était plus en reste, on allait se marier !
Ce serait un sacré coup d’éclat.
Alors, tout a commencé d’aller mieux. Olga était toute excitée à l’idée du mariage. On s’était donné un an pour tout bien préparer. La location de la salle, de l’orchestre, l’élaboration du menu, on vivait une grande aventure… Une aventure à deux... Embarqués dans les mêmes préoccupations : des bananes flambées en dessert ce serait super mais alors comment faire pour que tout le monde soit servi en même temps ? Pour entériner cette aventure on refaisait parfois l’amour la lumière allumée.
Des retrouvailles auxquelles Olga semblait prendre du plaisir. Alors elle m’aimait davantage je crois. Je ne sais pas trop, quant à moi, si je l’ai toujours aimée pareil ou si je ne l’ai en fait jamais aimée vraiment. Je ne tiens pas trop à me poser la question. Déjà à l’époque c’était une question déplacée. Je devais soigner notre mariage. Pour une fois je tenais à bien m’occuper d’Olga.
Quand j’ai évoqué la surprise que je voulais préparer, elle n’a rien cherché à savoir. J’étais content qu’elle me fasse confiance.
2
Avec le recul je me dis que j’y suis peut-être aller un peu fort. Même la presse nationale en a parlé à l’époque. Ça aurait pu me coûter ma place !
Bien sûr je ne suis pas accroché comme à la vie à mon gagne-pain. Mais si je ne devais plus faire reporter sportif, j’aimerais autant démissionner de moi-même plutôt que d’être viré (tant qu’à faire). Et il y a des côtés dans ce boulot qui me plaisent bien : c’est le fait que chaque sport nous fait entrer dans un monde original et particulier. En effet, chaque sport est associé à une foultitude de codes, de rituels, d’évidences qui sont naturelles aux initiés mais tout à fait dépaysantes pour les autres. A chaque sport son code vestimentaire et ses nuances techniques et financières inaccessibles au profane ; c’est particulièrement vrai chez les cyclistes et les tennismen. Mais j’adore regarder aussi les athlètes féminines se regarder : après un tour de piste, au lieu d’être essoufflées, elles comparent l’effet saillant de leurs cuissardes. On dirait qu’elles ne voient pas qu’il n'y en a pas une moins craquante qu'une autre…
Bien sûr il y a aussi les règles et les façons différentes de calculer. On ne compter pas les points de la même manière au ping-pong, au tennis, au volley-ball… On mesure le temps et les distances différemment au basket, lors d’une régate, d’un match de boxe… Et déjà il y a là, dans ces simples variations objectives, matière à mille rêveries, mille comparaisons.
Mais l’important pour moi, ce que je trouve intéressant dans mon métier, c’est surtout le tourisme sociologique (l’expression est de moi et j’en suis assez fier) qu’il permet de réaliser. Oui, ce n’est pas tant le fait de choisir tel ou tel objectif en fonction du sport que je vais avoir à photographier, l’aspect technique et proprement photographique de mes missions ne me passionne pas. Ce qui me plaît c’est ce qui se joue aux buvettes, dans les vestiaires, sur les parkings... L’important c’est la mythologie des sports. Ainsi, en plein hiver, je fume parfois une cigarette sur le parking d’un stade municipal et je regarde la vapeur des douches s’échapper des VMC en rêvant à des footballeurs homosexuels… Ou alors j’admire l’allure impériale des nageurs quand ils marchent à côté du bassin. Mais soyons brefs. J’étais donc en général parti en reportage tous les week-ends du vendredi soir au dimanche soir et Olga m’accompagnait rarement.
Le week-end débutait généralement par une compétition de natation. La journée du samedi était consacrée aux sports d’habitude peu médiatisés mais que mon rédacteur en chef tenait (et tient toujours et c’est tout à son honneur) à ne pas dénigrer : judo, ping-pong, ultimate, rink-hockey, escrime... Olga aimait bien regarder les photographies que je faisais de ces sports plus confidentiels et elle serait peut-être venue les voir mais le samedi, elle travaillait encore. C’est une grosse journée pour le commerce le samedi.
Le samedi soir, j’assistais presque toujours au match du club tourangeau de hand-ball (le THB, champion de France l’année dernière) et si ce n’était pas ça c’était un autre quelconque sport avec ball à la fin...
« Non merci, je n’ai aucune envie d’aller prendre froid dans cette salle omnisports, disait Olga, pour commencer un week-end on a vu mieux, non ? » Puis elle s’approchait de moi, me dévisageait avec douceur et murmurait, comme pour se faire pardonner : « Tu ne m’en veux pas, dis ? » Dans ma voiture, tout au long du trajet, j’aimais bien garder l’image de ses yeux noirs devant lesquels une de ses mèches venait jouer quand elle faisait ce numéro-là…
Bien sûr que non je ne lui en voulais pas. Je comprenais. Et le dimanche matin, qu’elle préfère rester faire la grasse matinée, ça se concevait.
------------------------------------------------------------------------------------------------
Maintenant je me souviens de petits riens, qui à l’époque ne m’étaient même pas apparus comme tels puisque je n’y avais jamais repensé, mais qui ont dû acquérir ensuite une certaine consistance, une force quasiment diabolique. Je ne sais pas si ce sont ces riens qui m’ont inconsciemment mis la puce à l’oreille. Mais je suis sûr que c’est grâce à eux que, des années plus tard, j’ai senti que les conditions nécessaires à la préparation de ma surprise étaient réunies –et que je les ai exploitées.
A l’époque où j’étais encore stagiaire, j’avais été envoyé à Doha, au Qatar, pour couvrir une course de pur-sang arabes. C’était pour le compte du supplément éco du Parisien qui paraît le lundi. Comme le Qatar finance le prix de l’Arc de Triomphe et qu’il n’y avait pas à l’époque encore de pur-sang qui y participait (et que la mafia qatarie des petites chevaux voulait qu’il y en ait et d’ailleurs c’est désormais chose faite), le Qatar avait commandé à des journaux français indépendants des reportages sur les rencontres de Doha –et voilà comment j’étais parti trois jours dans ce pays chaud et même extrêmement chaud, avec des confrères de L’Equipe et du Figaro.
On faisait parader les canassons, avant leur course, devant un fils de Sa Majesté Sheikh Hamad Bin Khalifa Al Thani. Un peu plus loin, des hommes baisaient le sol et invoquaient Allah à côté d’un château gonflable et de vendeur de gaufres. Et j’ai eu envie d’appeler Olga pour partager cette scène cocasse avec elle. La distance qui nous séparait, conjuguée à cette subite intimité téléphonique, rendit ma description plus surréaliste encore, mais le plus drôle était à venir : elle me dit que je n’allais pas le croire : elle assistait elle aussi, en ce moment-même, à une rencontre hippique, à l’hippodrome de Chambray (à côté de Tours) en compagnie d’une amie de promo ! Alors nous avons comparé, comme des lycéens qui bavardent au fond de la classe, le déroulement de la rencontre que chacun nous avions sous les yeux. Mais nous n’avons pas trop traîné au téléphone pour éviter une facture de téléphone trop salée et la chose en est restée là.
En y repensant je crois avoir trouvé, dans la voix de ma femme quelque chose de bizarre, un ton qui s’efforçait d’être léger et naturel (sans parvenir par conséquent à l’être tout à fait). C’était sans doute le fait de la séparation et de l’éloignement. Au retour, cependant, j’interrogeai Olga sur la réunion de Chambray et je lui trouvai un air embarrassé. Est-ce qu’elles avaient beaucoup parié, gagné, perdu ? Elle ne savait plus trop. Y-avait-il du monde ? Oui, pas mal de monde. Et autres questions anodines auxquelles on aurait dit qu’elle répondait avec mauvaise grâce, avec ennui. Mais je n’insistai pas, car j’étais trop heureux de la retrouver… et bien décidé à le lui faire sentir le soir même dans notre chambre d’étudiants…
L’autre événement rétrospectivement important s’est produit plusieurs années après. J’étais alors bien installé au Courrier Tourangeau et j’avais acquis un certaine reconnaissance dans la photographie sportive : on m’appelait souvent pour des photos d’équipes, destinées à figurer dans le calendrier du club ou à être encadrées et accrochées dans un couloir mal nettoyée par les femmes de ménage municipales. Ce samedi soir, je devais assister à la demi-finale de la coupe régionale de water-polo. Le match débutait à vingt heures à la piscine de Tours. Olga avait absolument tenu à m’accompagner. Je n’avais eu le temps ni de le lui proposer, ni de me préparer à son habituel refus…
Oui, elle avait dit : « Ce soir tu ne me laisses pas ! Je viens avec toi ! Je veux absolument voir Véronique jouer. Je le lui ai promis. »
Je ne savais pas qu’elle appréciait Véronique au point de lui promettre d’aller la voir nager dans un bassin, et de tenir absolument à honorer cette promesse –certes, ajoutai-je, il vaut mieux regarder Véronique jouer au water-polo plutôt que l’avoir à dîner : elle est si bête quand elle parle ! (Je l’avais déjà interviewé au cours d’un reportage l’année passée.) Elle me dit que Véronique et elle avaient sympathisé quand Véronique avait rempli la fiche de renseignements de la carte Fidélité du magasin, et que j’étais injuste envers cette fille qui avait une certaine culture, « peut-être pas la même que toi mais tu crois être une référence alors que tu n’es qu’un photographe de province » et le water-polo, peu lui importait, « une promesse est une promesse et l’amitié doit s’entretenir sinon elle meurt ».
Cette conversation m’amusa. Olga venait, c’était l’essentiel. Au cours de cette rencontre, je pris quelques unes des photos les plus réussies de toute ma carrière. A la mi-temps, je cherchai Olga du regard ; ne la trouvant pas, j’en profitai pour mettre au clair mes notes sur la première période et je réalisai une interview du président du club.
Après le match nous allâmes au restaurant. C’était l’une de ces franchises installées à côté du Leclerc, où l’on nous fait croire qu’on mange mexicain comme nul part ailleurs sauf au Mexique, mais je trouvais notre soirée quand même très réussie. Sur la table il y avait une bougie qui se reflétait dans ses yeux. Je pense qu’elle aussi passa une bonne soirée.
Souvent j’ai reparlé de cette soirée pour la convaincre de m’accompagner à d’autres matchs. Mais elle semblait avoir oublié. En tous cas elle n’avait pas l’air disposée à se souvenir. Je retrouvais la même espèce de fuite qu’avec les courses hippiques, le même air las. Je précise que cette perception n’avait pas la clarté avec laquelle j’essaie maladroitement d’en rendre compte aujourd’hui ; c’était plutôt un sentiment diffus, juste un peu de sable au fond de la chaussure. Parce qu’à cette époque on faisait encore l’amour la lumière allumée…
3
Préparer une surprise de cet ordre demande une sacrée organisation. Dans mon cas j’avais aussi besoin d’une occasion particulière et il me fallait donc un peu de chance (pour une fois). Le temps commençait à presser. De plus (afin que la surprise soit surprenante pour tous), je voulais agir seul.
Moins d’un mois avant la date fixée, j’ai enfin eu cette occasion que je désespérais de voir se présenter.
C’est qu’il faut savoir que toutes mes missions étaient envoyées sur notre e-book commun à Olga et à moi, si bien que je ne pouvais pas dire que j’étais en reportage si ce n’était pas vrai. Olga refusait désormais catégoriquement de venir avec moi. Depuis que je lui avais dit, un jour, que je ne comprends pas pourquoi les magasins de vêtements ouvrent dès le matin parce que personnellement je ne pourrais pas me dévêtir pour essayer un jean ou une chemise alors que je viens juste de prendre ma douche et de faire mes lacets et que ceux qui font ça sont insensés, en tous cas ceux qui ont encore les cheveux mouillés, Olga avait bâti un nouvel argumentaire, sur le fond identique au précédent et ayant les mêmes effets, mais formulé différemment –ce qui est toujours plaisant– et il faut dire assez éloquent. Elle disait : « Toi tu trouves inconcevable de se déshabiller à peine habillé, et bien moi c’est d’aller regarder des gens jouer à un sport dont je ne comprends souvent pas toutes les règles et en plus je suis en week-end. »
Nos relations se dégradaient. Je n’avais pas encore fait ma demande. On se croisait. On ne se voyait jamais en journée. Les commerces sont fermées le lundi, mais le lundi je suis en conférence de rédaction pour le Supplément Sport du mardi… Du lundi au jeudi, on ne se retrouvait donc que le soir. C’étaient en général des soirées télé, dîner, retélé, dodo… Parfois un ciné, et encore. Vint le temps des disputes. C’est habituel passée quatre ans de vie commune, paraît-il. Olga sortait de plus en plus souvent avec ses amies. Je restais devant la télé. Elle revenait radieuse, détendue. Mais elle disait ensuite : « Non, pas ce soir, je tombe de sommeil. »
Comment je l’ai su, je ne m’en souviens plus. Un matin je me suis réveillé convaincu et ça ne m’a plus quitté. C’était évident, depuis le début. C’était aussi éclatant que la vérité sur un plateau.
Alors je n’ai plus pensé qu’à l’élaboration de ma surprise. Pour m’obliger à la réaliser(des fois que je me dégonflerais), j’en ai parlé à Olga dès ma demande en mariage. Sur les faire-parts j’ai ajouté aux textes modèles qu’on trouve tout faits sur Internet une ligne supplémentaire. Jugez de l’effet et dites-moi si cela n’aiguise pas votre curiosité :
Olga et Sébastien sont heureux de vous annoncer la célébration de leur union le 25 juillet en l’église Saint-François de Paule à partir de 10 h.
A l’issue de la cérémonie, les familles auront le plaisir de vous accueillir pour un vin d’honneur servi à la salle des fêtes des Deux-Lions.
Une surprise attendra les invités au moment de passer à table.
Réponse souhaitée avant le 18 juin.
Cet ajout m’engageait et je ne pouvais plus reculer.
Ce qui était bien, je l’ai dit, c’est qu’Olga ne cherchait pas à me faire vendre la mèche. Elle semblait satisfaite à l’idée que notre mariage serait un peu originale (nous vivons une époque où même les rites de passage doivent être originaux). Et mon initiative semblait la rendre plus amoureuse de moi. C’était chouette. On se retrouvait. Ce n’était pas plus mal : on allait quand même se dire oui pour la vie !
Il y a donc eu cette mission à l’hippodrome de Chamblay un mois avant le mariage. Il n’y a pas eu de photos de cette réunion dans la presse : j’ai dit à mon rédac chef que mon appareil avait clamsé. Car de casaques, point : j’ai passé ce dimanche à photographier Olga et son jeune étalon... Il y avait foule et il faisait un temps splendide. On aurait dit une kermesse. Les enfants couraient dans tous les sens, faisaient des pronostics entre eux et s’inventaient des aventures. Les tribunes étaient bondées. La mauvaise musique était souvent coupée par les publicités, les annonces du speaker, l’interview d’un jockey ou d’un préparateur. Je me suis éloigné. Olga allait rayonner aujourd’hui. Je saurais la saisir.
Je suis allé aux toilettes des cours de tennis qui sont juste à côté. Quand je suis revenu j’avais tout l’attirail du parfait petit parieur : jumelles, chapeau, lunettes noires, le journal France Turf à la main. J’étais métamorphosé et je passais inaperçu. Même ma mère ne m’aurait pas reconnu.
Olga me croyait dans la tribune de presse. Caché derrière un arbre, je l’ai suivie avec les jumelles.
Elle était venue aux courses et je savais pourquoi : elle m’accompagnait parce qu’elle accompagnait Véronique. Et je savais pourquoi elle accompagnait Véronique. Elles ont bu un verre de vin blanc à une buvette. Je l’ai repéré tout de suite après. Il portait un breeche orange, un toque noir, un casque des meilleures maisons. J’ai pris le risque de prendre un thé au stand juste à côté. Ils ont payé et se sont éloignés. Ils ont dépassé le parking et ont rejoint un coin tranquille derrière le mini-golf, un carré d’herbe un peu en retrait de la route. Positionné derrière un rhododendron , je découvrais la vie aventureuse des paparazzis… L’endroit qu’ils avaient choisi était digne des meilleurs séances photos. C’était un espace vert paisible, où le généreux soleil de juin avait décidé de venir jouer avec l’ombre des feuilles, en éparpillant mille et une étincelles sur l’herbe. Olga et lui se sont assis contre un chêne. J’ai pris les photos qui m’intéressaient. Ils n’ont pas parlé très longtemps : ils en sont vite venus aux faits… J’ai mitraillé, un peu affolé, un peu ivre, puis je suis retourné me changer.
J’ai téléphoné à Olga pour lui dire que j’avais terminé : la course que je devais couvrir venait de s’achever et les autres n’avaient pas d’intérêt. Où était-elle ? Elle m’a dit qu’il faisait une chaleur assommante dans les tribunes et qu’il y avait tellement de bruit, alors avec Véronique elles avaient préféré aller se promener ; et que c’était tant mieux si on rentrait parce qu’elle n’en pouvait plus, et elle arrivait. Nous nous sommes retrouvés, j’ai fait mine de rien et le soir nous sommes allés au cinéma. Ils donnaient L’ennui au cinématographe.
Le jour du mariage, plusieurs personnes parlaient de la surprise qui allait suivre le vin d’honneur. Rien ne filtrera, répondais-je, vous perdez votre temps. Et puis soyez patients. Avant d’entrer dans la salle, j’ordonnai solennellement aux invités ne pas toucher à leur serviette en papier. C’est moi qui avais mis le couvert. Au hasard d’un reportage j’avais appris que Véronique était mariée avec le frère du gendre du président du Saint Cyr Touraine Handball, lequel frère, prénomme Thierry, montait régulièrement mais faisait jockey pour la première fois dans une des courses que j’avais jugées sans intérêt. J’avais compris ce qui s’était passé lors de la demi-finale de water-polo, tandis que Véronique nageait. J’ai su ce qu’elle faisait de ses week-ends depuis mon retour du Qatar. J’avais imaginé à peu près comme je l’ai photographié des années plus tard le premier après-midi hippique entre Olga et ce jockey de photocopie, tandis que j’étais en voyage pour le Parisien. J’ai scandé : « Un, deux, trois ! » Et tout le monde a ôté la serviette. Sous la serviette il y avait les assiettes en carton. Mais sur les assiettes en carton j’avais fait imprimer les photos.
Il était aussi écrit : « C’est beau l’amour ! » et la date des photos. On dispose d’une semaine de rétractation si les circonstances sont exceptionnelles. Maintenant je suis célibataire. Mais j’aurais dû penser à photographier Olga au moment où elle a découvert les assiettes. C’était si beau. Et ce murmure gêné dans toute la salle des fêtes. Je crois que je ne regrette rien.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire