mercredi 5 mars 2008

Des petits souvenirs

Dans une route, prendre un peu de nids de poules, avec un peu de cris, de klaxons-tempo, de reggae, Baba Mal et Youssou N'Dour, radio-cassettes, lampes de poches, moustiquaires, trous, odeurs d'arachides, citrons verts, échappements noirs, ensablés, en avant, toujours de bon matin en avant, et le soir sur un petit scooter c'est agréable d'avoir le Tee-Shirt dans le courant d'air. Savon-citron, ciseaux coupe-cheveux, beurre de karité, café Touba, thé sénégalais, vache-qui-rit ou ses ersatz, camion blindé, caisses de bierre, imitations, leitmotiv, private-jokes, soda, Africa-Fun, Fanta Cocktail, discussions sérieuses, oiseuses,ennuyeuses, passionnées, grisantes, rigolotes.

Sur un banc, un enfant dort. C'est le soir. Il veut s'assoir. Alors il verse l'enfant sur la terre. L'enfant s'effondre et se fait mal. S'assoit. C'est lui le plus grand.

Sur ses épaules, ce grand perdu a un gosse de quelques saisons à peine. Dévale le sol de rocailles et d'ornières pour faire le fier, se rétame la gueule et le gosse hurle sa mère. Remonte du fleuve une femme avec une bassine d'eau sur la tête. Pose la bassine. Lance des pierres au grand perdu. (Chasse la hyène et mouille le crâne ouvert du gosse.)

Dans la rue de Souba, un gosse, un jour, avait un bout d'orange. Il avait un vieux tee-shirt tout pourri, tout sal et tout troué. Il n'avait pas de chaussures, pas de choses à faire sans doute ce matin-là. C'était un gosse avec plein d'autres gosses dans la rue de Matam. Il fait tomber l'orange. Alors, après avoir couru, il est resté à regarder quelque chose avec leur petit regard grave et leurs yeux ronds et noirs. Il n'avait qu'un tee-shirt, pas de short et pas de chaussures. Il a ramassé le quartier d'orange et il l'a pressé dans son tee-shirt un peu jaunâtre, un peu crade. Il y avait de la poussière à côté du banc et depuis le début le fond était avec des chèvres dans la rue et des charettes de branches, et il y avait cet air de balai devant les maisons, âne à l'ombre et la terre fume au contact de l'eau. Il a pressé longtemps le bout d'orange entre le bas de son tee-shirt, comme s'il voulait en ôter la poussière, mais on voyait le maigre jus en sortir et mouiller plus ou moins son coin de tee-shirt, en continuant à regarder quelque chose et à suivre le mouvement de la petite foule de drôles, des gosses qui étaient dans la rue ce matin-là. A la fin, il a donné le bout d'orange à une petite fille, qui l'a mangé tout fripé, en deux fois, et ils sont tous partis vers la grande plaine des détritus, ils emboîtaient le pas de la chèvre qui venait de passer.
A côté, il y avait des petits lopins de cultures vivrières.
Derrière, il y avait un lycée.
Et en continuant, il y a le fleuve (là où le grand perdu a fait tomber le gosse qu'il kidnappait sur ses épaules, pour faire marrer les autres, SVNVRP). En face, il y a encore sans doute le boutiquier qui attend, pour quelques clopinettes de vendre : une carte Orange, un Biskren, un sac plastique de sucre.

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