samedi 19 septembre 2009

L'histoire de Charate Bouzareife

Il y avait un homme appelé Charate Bouzareife qui commettait des délits rigolos sur l’île de la Martinique : il faisait du stop et lorsqu’une voiture conduite par un homme seul s’arrêtait, il agressait le conducteur, le laissait sur le bord de la route et partait se baigner dans une crique ; il pêchait quelques oursins qu’il cachait dans la voiture à différents endroits stratégiques. Ensuite, il se garait sur un parking de Fort-de-France, il laissait les clés sur le contact et il retournait faire du stop. Mais, un jour, Charate Bouzareife s’est fait pincer. On l’a jugé, condamné et emprisonné.

Il était dans une cellule sans confort, avec juste un lit et le sol en béton armé. La petite ouverture sur l’extérieur qui servait de fenêtre donnait sur un sentier qui descendait de la Montagne Pelée. C’était un paysage bien vert ; de chaque côté du chemin, des petits taudis en taule ondulée où vivaient des gens pauvres. Et tout en bas, la ville.

Charate était le seul prisonnier présent sur l’île ce jour-là parce que les autres avaient bénéficié d’un plan de redressement sur l’île de la Guadeloupe : ils avaient été engagés pour nettoyer les dégâts causés par le cyclone Hugo qui n’avait pas touché la Martinique mais détruit la Guadeloupe. Malheureusement, le célèbre volcan martiniquais entra en éruption ce jour-là.

Les gens se mirent à courir en tous sens mais surtout vers le bas, vers la ville. La lave descendait du volcan, pareille une avalanche enflammée. Jusqu’à la ville, où ça a été la panique. Les gens qui avaient une voiture s’y sont précipités et très vite il y a eu des embouteillages importants et une cacophonie de klaxons et de cris. Les télévisions et les radios locales avaient ouvert des pages spéciale irruption volcanique mais très vite les journalistes et les équipes techniques désertèrent les studios pour s’enfuir eux aussi. Il y a des chanceux qui ont pris un hélicoptère ; depuis ces engins, ils ont été des témoins privilégiés de la catastrophe. Mais pas autant que Charate. La lave a recouvert toute l’île.

Tous les martiniquais présents ce jour maudit sur l’île ont péri, mais il y avait un homme qui n’avait pas pu s’enfuir. C’était notre héros, le bon Charate Bouzareife… Depuis sa cellule, il avait assisté au déversement de la lave ; il avait entendu les hurlements affolants et avait vu les gens paniqués et les enfants en pleurs. Et les vieillards pompéifiés, avalés vivants... Charate n’a pas éprouvé de plaisir au spectacle. Il l’a regardé d’un œil halluciné et impuissant.
Quand la Montagne Pelée a cessé de cracher son venin, le lendemain quand les équipes techniques sont arrivées sur place et qu’accompagnés des télévisions du monde entier les sauveteurs de la Croix Rouge ont ratissé la Martinique laissée à la désolation, c’était la fin du monde mais les équipes techniques ont découvert Charate. Il était l’unique survivant, le prisonnier de la Montagne Pelée. Son histoire singulière a été signalée durant deux semaines sur la page d’accueil de « Yahoo ! ». C’est pourquoi beaucoup ont eu vent de l’existence de Charate Bouzareife, ainsi que des motifs de son emprisonnement –qui lui avait sauvé la vie.

Invité à s’exprimer sur les plateaux télé, Charate a répondu en envoyant des oursins par la poste. Alors, peu à peu, le public s’est désintéressé de cet énergumène. Charate Bouzareife vit aujourd’hui quelque part sur la Terre, dans un endroit tenu secret par un officier russe qui a souhaité garder l’anonymat (mais en fait Charate est en Argentine et il fait la lecture à Borges).
FIN

1 commentaire:

Anonyme a dit…

mystère...